Texte intégral du discours d’investiture de Luis Abinader Corona, nouveau président dominicain (en français)

DISCOURS D’INSTALLATION LUIS ABINADER CORONA

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE

 

Traduction française de l’original en espagnol

Discours du Président Luis Abinader Corona lors de la cérémonie d’inauguration devant l’Assemblée nationale

Santo Domingo, RD 16/08/2020

 

Honorable M. Eduardo Estrella, Président de l’Assemblée nationale ;

Son Excellence Jovenel Moïse, Président de la République d’Haïti ;

Son Excellence, le général Umaro Sissoco Embaló, président de la République de Guinée-Bissau et commandant suprême des forces armées ;

Honorable M. Hipólito Mejía, ancien président de la République ;

Son Excellence Michael Pompeo, secrétaire d’État des États-Unis

Son Excellence, Mevlȕt Cavuşoğlu, ministre des affaires étrangères de la République de Turquie ;

Son Excellence, Maria Aranzazu Gonzalez Laya, ministre des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération du Royaume d’Espagne

Son Excellence, Pedro Brolo Vila, secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération internationale de la République du Guatemala

Son Excellence Lisandro Rosales Banegas, ministre des relations de la République du Honduras ;

Son Excellence Zoran Djordjevic, ministre du travail, de l’emploi, des anciens combattants et de la politique sociale de la République de Serbie ;

Son Excellence Monseigneur Ghaleb Bader, Nonce Apostolique et Chef de la Mission Spéciale de Sa Sainteté le Pape François ;

Excellences, chefs de missions spéciales et d’organisations internationales ;

Excellences, membres du corps diplomatique et consulaire accrédités au pays ;

Invités d’honneur ;

Son Excellence Raquel Peña Rodríguez, vice-présidente de la République ;

Honorable Mme Milagros Ortíz Bosch, ancienne vice-présidente de la République

Son Excellence Raquel Arbaje de Abinader, Première Dame de la République ;

Honorable Luis Henry Molina, président de la Cour suprême de justice ;

Honorable M. Milton Ray Guevara, Président de la Cour constitutionnelle ;

Honorable M. Román Jáquez Liranzo, président de la Cour supérieure électorale ;

Honorable M. Julio César Castaños Guzmán, président du Conseil électoral central ;

L’Honorable Hugo Álvarez Pérez, Président de la Chambre des comptes ;

L’Honorable Zoila Martínez Guante, Médiateur ;

L’honorable Alfredo Pacheco Osoria, vice-président de l’Assemblée nationale ;

Honorables sénateurs et députés, membres de l’Assemblée nationale ;

Ma mère, Rosa Sula Corona Caba ;

Hauts fonctionnaires civils et militaires ;

Distingués représentants des médias ;

Mesdames et Messieurs.

Avant de commencer mon discours, permettez-moi de vous demander de vous lever pour rendre hommage à la mémoire des victimes de la Covid-19 et de leurs familles.

Vous n’êtes pas seuls dans cette terrible situation et vous pouvez compter sur la solidarité et l’affection de tout le peuple dominicain représenté ici, ainsi que sur les encouragements fraternels des nations soeurs et amies dont les représentants nous honorent de leur présence aujourd’hui.

Et saluons également par un applaudissement de soutien tous ceux qui sont hospitalisés, ainsi que ceux qui se rétablissent chez eux et, surtout, le personnel médical qui nous soigne et nous guérit dans un effort de solidarité et de professionnalisme sans précédent dans notre histoire.

 

Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs.

 

Peuple dominicain,

 

Ce matin, je me présente devant cette Assemblée Nationale pour recevoir l’écharpe présidentielle, honoré par la confiance des citoyens dans les urnes et très conscient des défis actuels, mais aussi très confiant dans l’avenir.

Comme le veut notre tradition civique et politique, cet événement se tient le 16 août, 157 ans après[1] que quatorze hommes sous le commandement du colonel Santiago Rodríguez[2] aient hissé le drapeau national sur la colline de Capotillo sous le cri de Vive la République dominicaine !

Avec cette action courageuse, un chemin a été ouvert, dur et parfois amer, mais aussi guidé par l’espoir qui, plus de cent cinquante ans plus tard, nous a conduits à un nouveau moment solennel de soulagement et de continuité dans la plus haute magistrature de la République dominicaine.

Aujourd’hui, nous faisons un nouveau pas vers cet avenir de liberté, de prospérité et de justice dont ont rêvé ces héros et dont nous honorons la mémoire en faisant coïncider la date de leur épopée avec l’investiture du Président de la République.

Lorsque ces braves patriotes ont tenu le Cri de Capotillo[3], ils savaient que le chemin qu’ils devaient parcourir était semé d’embûches. Cependant, leurs jambes n’ont pas tremblé et leur courage n’a pas faibli pour faire face à la tâche historique qui les attendait.

Près d’un siècle plus tard et dans des circonstances qui sont également sombres pour notre pays, le peintre Aurelio Crosiet n’a pas manqué de talent et, avec ses pinceaux, il a laissé sur les murs de cette vénérable salle une carte symbolique de ce qui – je l’annonce maintenant – sera notre parcours au cours des prochaines années ; une période où ne manqueront pas les difficultés et les défis, mais non plus la détermination à les résoudre ni le travail pour les surmonter.

Les peintures murales de Crosiet que nous pouvons maintenant contempler nous montrent les enseignements de la liberté, de la justice, de la valeur de la loi, du pays et de la foi.

Mais malgré l’inspiration et la fierté que ces peintures produisent en nous, je ne vais tromper personne avec des mots doux, des promesses creuses ou de faux horizons car ni la plus haute magistrature que j’assume aujourd’hui ni la décence ne me permettraient une telle irresponsabilité, car nous vivons l’une des heures les plus difficiles de notre histoire pour laquelle nous n’avons pas de précédents ni de recettes avérées car elles n’existent tout simplement pas.

Malgré tout, en ce jour solennel, j’offre travail et dialogue sans limite pour que, tous ensemble, nous puissions en sortir plus forts, plus unis et pleins d’espoir.

En préambule, je voudrais avertir que ce discours ne sera pas un programme gouvernemental, ni une liste de travaux à entreprendre, que nous avons déjà détaillés tout au long de la campagne, et dans la transition. Ce ne sera pas non plus un inventaire de l’héritage douloureux dans de nombreux domaines de l’État, qui sera rapporté par les fonctionnaires qui composeront l’équipe de travail de ce gouvernement. Parce que ce sera un gouvernement de communication systématique et de reddition de comptes.

 

Mesdames et Messieurs :

La Covid a mis à nu la grave situation structurelle que traverse notre pays. Une pandémie mondiale nous a montré à quel point notre pays présente des faiblesses qui le rendent très vulnérable à la situation actuelle et à ses conséquences économiques et sociales. Nous avons connu des décennies d’inaction et de mauvaise politique, mais aujourd’hui, nous n’avons plus de temps à perdre.

Toutefois, l’urgence ne doit pas nous faire oublier ce qui est important. La hâte avec laquelle nous devons arbitrer les mesures ne doit pas être une excuse pour ne pas entreprendre les profondes réformes dont notre pays a besoin pour contenir a court termes les ravages que la pandémie aggrave à court terme, et aussi pour surmonter nos déficiences structurelles.

C’est pourquoi cette présidence, qui commence aujourd’hui, sera une présidence de l’urgence. Mais il s’agira aussi d’un changement irréversible.

 

COVID ET SANTE

 

La Covid-19 est un fléau mondial qui nous frappe tous d’une manière aussi silencieuse que particulièrement cruelle parce qu’elle punit le besoin que nous avons, en tant qu’êtres humains, de vivre ensemble.

Un adversaire si terrible qu’il nous oblige à prendre des mesures exceptionnelles pour défendre la vie et notre mode de vie.

Le virus met à l’épreuve toute notre structure sociale, avec des conséquences sur notre santé et notre système de santé, mais aussi sur l’activité économique, éducative, culturelle et sociale. C’est pourquoi nous devons agir maintenant et de manière décisive.

Le système de santé publique actuel, malgré ses bons professionnels, n’a pas eu les moyens suffisants pour atténuer la pandémie, ni pour articuler des politiques de prévention face à cette crise sanitaire ou à d’autres.

Je veux annoncer aujourd’hui que notre gouvernement va mettre en oeuvre un plan national pour la détection, l’isolement, la localisation et le traitement des personnes infectées à une échelle sans précédent dans notre histoire, avec l’engagement de garantir l’accès au vaccin contre le virus pour toute la population dominicaine dès qu’il sera disponible.

Nous allons augmenter le budget de la santé à plus de 66 milliards de pesos au cours des quatre premiers mois du mandat du gouvernement pour faire face à cette urgence mais, en même temps, pour transformer à jamais notre modèle de soins de santé, selon des critères de déconcentration, de décentralisation et de responsabilisation des communautés, ainsi que de renforcement des soins primaires.

Aujourd’hui, je m’engage à me consacrer corps et âme à placer notre système de santé là où les Dominicains le méritent : parmi les meilleurs d’Amérique latine.

Que cette réception de l’écharpe présidentielle serve donc à prendre ici un engagement solennel : personne ne sera laissé sans surveillance ou abandonné à son sort parce que nous sortirons tous et ensemble de cette crise.

Sous ma présidence, le système de santé ne s’effondrera pas. Mais il est important pour nous de comprendre qu’après presque six mois d’apparition de la pandémie dans le pays, nous recevons la direction du gouvernement en pleine expansion du virus, avec 1 400 morts et plus de 85 000 personnes infectées.

Dans les mois à venir, nous allons augmenter le nombre de lits là où c’est nécessaire, doubler notre capacité de lits dans les unités de soins intensifs, mettre en place 12 hôpitaux temporaires et former plus de 1 000 médecins et infirmières dans le cadre d’un vaste programme national afin d’être plus efficaces dans la lutte contre la pandémie.

Un tel effort sera possible parce que nous allons restructurer l’architecture institutionnelle de l’État pour éliminer les organismes et institutions inutiles ou faisant une duplicité des fonctions et allouerons ces fonds pour inclure plus de deux millions de citoyens dans l’assurance maladie familiale, de sorte qu’en décembre de cette année, la santé publique dominicaine soit UNIVERSELLE ET GRATUITE.

 

ÉCONOMIE

 

Peuple dominicain :

La pandémie est mondiale. Et la crise économique qu’elle a entraînée est également mondiale. Les dommages causés sont déjà les plus importants depuis la Seconde Guerre mondiale. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques prévoient une croissance mondiale négative, de sorte que la reprise ne sera ni rapide ni facile.

 

La réduction de l’économie mondiale se traduira par une baisse spectaculaire des échanges entre les pays. La révolution technologique qui a permis au global de se transformer en local signifie également que la réduction de la demande mondiale aura des conséquences sur le secteur extérieur de notre économie et des répercussions sur la production, l’emploi et la consommation intérieure.

Les interdictions et les craintes liées aux voyages réduisent le nombre de touristes sur notre île ; nos exportations souffrent de la baisse de la demande mondiale. Des petites et moyennes entreprises sont fermées, des emplois sont perdus et des économies sont consommées sans que personne ne puisse en prévoir l’impact ou la fin du cauchemar.

Cette crise menace d’exercer une pression maximale sur les politiques budgétaires et nous oblige à gérer les dépenses publiques de manière appropriée afin d’atténuer les dommages déjà subis par les secteurs générateurs de devises. Et tout cela dans un contexte où le niveau de la dette publique – avant même la pandémie – avait déjà atteint les limites de l’imprudence. La dette consolidée de l’ensemble de l’État a doublé au cours de la dernière décennie, et cette semaine seulement, le déficit s’est accru de 25,6 milliards de pesos.

Dans le passé, le bien-être des citoyens n’a pas augmenté, mais la dette et le déficit se sont accrus. C’est le scénario auquel nous sommes confrontés. C’est le bilan que nous avons trouvé. Un bilan que nous sommes fermement résolus à redresser.

En améliorant la qualité des dépenses et en éliminant le gaspillage et la corruption qui, pendant des années, n’ont fait qu’augmenter le déficit et donc la dette publique sans améliorer la qualité de vie des Dominicains. Que les commanditaires des détournements de fonds ne perdent pas leur temps. Rien ni personne ne nous fera changer cet engagement.

Jamais auparavant un gouvernement n’a été confronté à une telle combinaison de défis et de menaces.

La crise et ses effets nous apportent de nombreux mois de sacrifice et de discipline, mais toujours avec l’espoir d’un avenir meilleur. C’est pourquoi la priorité est de créer les conditions pour relancer la production et l’emploi en utilisant tous les mécanismes à notre disposition pour atteindre cet objectif :

  1. Nous poursuivrons les programmes d’aide FASE, Reste chez toi et Pour toi jusqu’à la fin de l’année 2020[4]

 

  1. Nous allons étendre les facilités fiscales en particulier pour les petites et moyennes entreprises et mettre en oeuvre un programme de garantie et de financement destiné aux secteurs touchés par la pandémie pour plus de 100 milliards de pesos.

 

  1. Nous allons lancer un plan de réparation et de construction qui touchera plus de 30 000 foyers afin de réactiver les économies locales dans tout le pays.

 

  1. Nous encouragerons la Banque de Réserves à donner la priorité aux projets dans les secteurs du tourisme, de l’industrie et de l’exportation qui créent des emplois et sont suspendus par le manque de financement.

 

  1. Nous présenterons lundi prochain le 24ème plan de relance du tourisme avec pour objectif de le promouvoir et de récupérer l’afflux de visiteurs d’avant la pandémie.

 

  1. Nous disposerons, par l’intermédiaire de la Banque Agricole, de 5 milliards de pesos[5] de financement à taux d’intérêt zéro pour les nouvelles plantations. Elle fournira également un soutien commercial et une assistance technique pour garantir la sécurité alimentaire.

 

Pour atteindre tous ces objectifs, il sera nécessaire de recourir à des sources de financement internes et externes qui permettront de répondre aux besoins extraordinaires, ce qui impliquera une augmentation de l’endettement au-delà de ce que nous avions programmé avant la pandémie.

L’ampleur de la crise est telle que ce nouveau gouvernement fera le nécessaire, quand il le faudra et aussi longtemps qu’il le faudra, pour sauver l’économie et protéger les personnes et leurs emplois.

Une fois la crise sanitaire et économique passée, nous devrons prendre des mesures pour changer la trajectoire de notre dette publique.

Les contraintes budgétaires nous poussent à être créatifs et à utiliser au maximum les partenariats public-privé pour générer des investissements dans des domaines qui créent des emplois formels et des travaux stratégiques. Voici quelques-uns des projets que nous allons commencer à planifier et à allouer immédiatement

– La construction de l’autoroute de l’ambre, qui nous permettrait de nous rendre de Santiago à Puerto Plata en seulement 25 minutes et de Saint-Domingue à Puerto Plata en deux heures.

– Le développement touristique de Pedernales, qui développerait son propre aéroport ainsi que la construction de 3 000 chambres d’hôtel dans différents hôtels.

– Le port de Manzanillo qui nous permettra l’évacuation des exportations de bananes et les zones franches de Santiago et de la ligne du nord-ouest.

 

Peut-être que le secteur privé a maintenant ses réserves logiques sur le lancement de nouveaux projets étant donné la situation internationale délicate. Mais ce gouvernement veut dire aux hommes d’affaires nationaux et internationaux que c’est le moment d’investir en République dominicaine.

Nous créerons un climat favorable aux investissements en garantissant la sécurité juridique, la transparence et la rapidité des processus de passation de marchés. De plus, à partir de demain, j’ordonne à toutes les institutions publiques d’accélérer la recherche et la décision de tous les investissements qui sont paralysés et qui impliquent la création d’emplois.

 

RELATIONS EXTÉRIEURES

 

Législateurs

 

La politique étrangère dominicaine doit être placée comme l’un des axes de l’action gouvernementale. Son poids et son importance dans un tel contexte mondial sont désormais indispensables.

Je voudrais rappeler ici, à ce stade et dans un acte aussi important, que notre nation ne se limite pas seulement aux 48 000 kilomètres carrés qu’elle occupe.

La République dominicaine se trouve également au-delà des côtes bleu turquoise de la mer qui baignent cette région dynamique et diverse des Caraïbes. La République dominicaine vit également au milieu des gratte-ciel de la Grosse Pomme de New York et dans les rues animées de Madrid.

Cette République dominicaine que je veux partager avec vous aujourd’hui, c’est chacun et chacune d’entre nous, hommes et femmes qui vivent sur cette île ou qui développent leurs projets de vie au loin. C’est la République de ceux d’entre nous qui portent la flamme ardente et éternelle de la patrie que les Trinitaires, Gregorio Luperón et les Soeurs Mirabal nous ont léguée.

Cette république qui vit loin de cette île est celle qui a maintenu son engagement dans un moment aussi difficile que celui-ci, en augmentant les envois de fonds pour aider leurs familles. Ils continuent de démontrer leur immense attachement à cette terre, placée sur le même chemin du soleil et de la lumière. Ils ont leur corps à l’extérieur, mais leur âme et leur culture restent parmi nous. À cette diaspora bien-aimée à l’étranger, nous ne pouvons que dire : MERCI.

La politique étrangère dominicaine a toujours été inefficace, et les nominations au sein de son service extérieur sont souvent distribuées comme un butin politique. Mais cela est sur le point de changer MAINTENANT. À partir d’aujourd’hui, il y aura un gouvernement qui servira son peuple, qui se mettra à son service et qui l’aidera où qu’il se trouve.

Nous sommes pleinement conscients que la prospérité du pays dépendra aussi du fait que nous placions notre service extérieur là où une nation moderne et décente le mérite. Nous avons de grands défis à relever, tels que sa professionnalisation, sa modernisation et l’adaptation de ses structures, qui sont aujourd’hui disproportionnées et inefficaces.

Par le biais de notre ministère des affaires étrangères nous allons promouvoir le commerce et l’investissement à un moment où ils seront cruciaux pour notre récupération. Nous allons renforcer nos relations stratégiques avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial et le lieu de résidence de deux millions de compatriotes.

Et nous continuerons à renforcer nos relations avec toutes les régions du monde, y compris l’Union européenne, en particulier avec nos partenaires espagnols, et bien sûr nous redoublerons d’efforts pour être un acteur de la transformation économique et un promoteur de la démocratie et de ses valeurs dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes.

La République dominicaine est parfaitement placée pour relever ce défi historique. Nous disposons d’un solide écosystème industriel et de zones franches, et d’une proximité enviable avec les principaux marchés de consommation du monde.

Le temps est venu de maximiser notre position géographique sur le continent américain pour le rétablissement des entreprises et la création d’emplois.

 

Mesdames et Messieurs,

 

La relation bilatérale avec Haïti est très importante pour la République dominicaine. Nous sommes conscients que le succès de cette relation dépend de la présence active, cohérente et persévérante des deux États. C’est pourquoi nous devons continuer à renforcer les instruments de bon voisinage, à promouvoir le développement global de la frontière et à concevoir une politique de sécurité efficace pour contribuer au bien-être des deux nations. (Applaudissements)

 

ÉDUCATION

Peuple dominicain,

 

La véritable raison d’être d’un gouvernement est le bien-être de sa population. Et on ne peut aspirer à un plus grand degré de bien-être et d’égalité sans éducation. Le véritable levier de transformation de la société est l’éducation et la connaissance.

Bertold Brecht disait : « Quels temps seront-ils, qu’il faille défendre l’évidence ». Eh bien, me voici, défendant une fois de plus une évidence aussi grande qu’oubliée : que la République dominicaine doit avoir le système éducatif qu’elle mérite et qu’il ne doit être autre que le meilleur.

Ce n’est pas par hasard que le peuple dominicain a transformé en bannière la demande légitime et nécessaire que 4 % du produit intérieur brut soit alloué à l’éducation.

Malheureusement, ces 4 % n’ont pas été investis comme il se doit ; il y avait plus de business que d’éducation.

Nous n’avons donc pas commencé avec un quelconque avantage. Selon la Banque mondiale, l’espérance de scolarisation d’un enfant dominicain est de 11,3 ans, mais la scolarisation effective par la gestion des compétences est réduite à 6,3.

Vingt pour cent de nos étudiants ne terminent pas le cycle d’enseignement primaire et le fossé entre le modèle des institutions qui forment les éducateurs et le programme actuel de nos centres éducatifs est évident.

Notre situation s’est détériorée dans les rapports PISA depuis 2015, nous plaçant aujourd’hui à la dernière place sur 79 pays en mathématiques et en sciences et à l’avant-dernière place en lecture.

Le diagnostic de notre système éducatif est sans aucun doute grave et je n’ai pas l’intention de compenser cet état, et je ne permettrai pas qu’il se poursuive.

Le modèle éducatif actuel dans notre pays ne fonctionne pas, ou du moins ne génère pas la qualité de l’éducation, l’employabilité des diplômés ou ne contribue pas au développement de la nation.

C’est pourquoi nous proposons de garantir l’intégration de tous les Dominicains et Dominicaines dans le processus éducatif : que personne ne soit laissé sans quota scolaire, sans possibilité de se former, de se développer et d’avoir accès à la réussite.

Nous allons promouvoir un modèle éducatif basé sur la génération de compétences utiles pour l’insertion sociale, mais aussi utiles pour que nos jeunes puissent effectivement exercer un emploi de qualité – un emploi formel – ou créer leur propre entreprise, s’ils en décident ainsi.

De même, nous allons remplir de compétences et de contenus utiles, la journée étendue, afin que nos centres éducatifs deviennent des laboratoires de valeurs et de citoyenneté.

Pour atteindre ces buts, l’engagement et la participation enthousiaste de toute la communauté éducative est indispensable, en particulier des enseignants, dont nous allons améliorer les conditions de travail en reconnaissance de leur formation et de leur éducation en tant que bons éducateurs et de la qualité de l’enseignement qu’ils dispensent à nos enfants et à nos jeunes.

La situation critique qui pèse sur l’éducation dominicaine est encore aggravée par la loi Covid-19, qui met l’année scolaire 2020-2021 en sérieuse difficulté, dont le début est prévu le 24, c’est-à-dire dans huit jours. Nous ne pouvons pas courir ce risque.

Cependant, nous ne nous résignerons pas non plus à attendre la fin de la tempête. La semaine prochaine, le nouveau ministre de l’éducation présentera le plan par lequel nous allons faire face à la situation pour garantir le progrès de l’éducation tout en préservant la santé de la communauté éducative.

Cela nous oblige à recourir à l’enseignement à distance et virtuel, qui requiert des ressources technologiques que le gouvernement sortant n’a pas préparé.

C’est pourquoi j’annonce aujourd’hui que, d’ici le début de l’année scolaire, tous les enfants et les jeunes des écoles et des lycées de la République Dominicaine disposeront d’une tablette ou d’un ordinateur portable afin qu’ils puissent poursuivre leurs études, quelle que soit l’évolution de la pandémie et leur niveau économique.

Nous mettrons également en oeuvre un ambitieux plan visant à impliquer tous les opérateurs de services téléphoniques du pays et à assurer la connectivité de l’ensemble du système éducatif en un minimum de temps.

Nous avons également rencontré le recteur de l’Université autonome de Saint-Domingue pour lui apporter une aide particulière afin de garantir son semestre en toute sécurité et de la meilleure manière possible.

Grâce à ces mesures, nous allons sauver l’année scolaire et universitaire et éliminer une fois pour toutes le fossé numérique qui est si grand et insupportable dans notre pays.

C’est un changement qui transformera à jamais notre système éducatif d’une manière sans précédent.

Parce que ce gouvernement qui commence aujourd’hui est convaincu que le pari de l’éducation est le seul qui sera toujours gagné, parce que nous parlons du moteur de transformation d’un changement irréversible et sans retour en arrière. En pariant sur nos jeunes et leur formation, nous parions sur le talent et l’avenir. Si nous réussissons, nous arriverons à temps à la rencontre historique de progrès que la République exige.

 

INSTITUTIONNALITÉ

 

Mais il n’y a pas de transformations sans les réformes institutionnelles nécessaires qui garantissent que nous sommes un peuple de lois et non une communauté soumise à la volonté changeante de ses dirigeants. L’histoire n’est pas linéaire et en République dominicaine, nous avons appris cette leçon à nos dépens bien trop souvent.

L’inventaire des revers tragiques depuis notre indépendance le confirme. Rien sans effort n’est garanti à jamais. C’est pourquoi la vigilance pour maintenir la démocratie ne s’arrête jamais.

Nous qui sommes réunis ici à l’Assemblée nationale, de par nos différentes responsabilités institutionnelles, sommes les gardiens de l’héritage démocratique et, à ce titre, nous ne pouvons pas manquer à notre objectif de concilier liberté et justice.

Parce que sans justice, il ne peut y avoir de démocratie.

L’héritage historique de centaines de milliers de Dominicains et de Dominicaines qui, au cours de plus d’un siècle et demi, ont marché pour demander justice et qui, à de trop nombreuses occasions, ont versé leur sang dans ce processus, ne doit pas être dénaturé. Si nous devions oublier ces sacrifices, nous ne serions même pas dignes de nous regarder dans le miroir sans ressentir de la honte.

Nous ne pouvons pas non plus oublier tous ceux qui se sont battus avec détermination pour faire respecter la Constitution et nos lois. Nous ne les laisserons pas tomber.

C’est pourquoi l’un des premiers décrets que je signerai aujourd’hui sera de nommer un procureur général politiquement indépendant, capable de faire ce qui est juste, même si tout le monde est contre, et d’éviter ce qui est injuste, même si tout le monde est pour.

 

SÉCURITÉ

 

Législateurs,

 

Sans loi, il n’y a pas de sécurité, sans sécurité, il n’y a pas de liberté et sans liberté, il n’y a pas de démocratie. Et quiconque est tenté de sacrifier l’une de ces valeurs pour en préserver une autre les perdra toutes.

Dans une société libre, moderne, démocratique et avancée comme celle que la dominicaine aspire à devenir, nous méritons tous de développer un projet de vie sans violence.

L’insécurité touche des milliers de Dominicains. Soixante-dix-sept pour cent de la société considère la criminalité comme sa principale préoccupation.

Je pense que ce problème doit être résolu en dépassant l’ancienne notion d’ordre public, car les causes de ce mal sont beaucoup plus complexes et profondes.

Par conséquent, nous devons améliorer et aborder la prévention, en créant des opportunités qui ferment la porte au recours à la criminalité tout en menant des programmes éducatifs intensifs sur l’impact négatif de l’alcool et des drogues chez les jeunes. Nous allons également renforcer les actions de dissuasion en approfondissant la collaboration de la police avec la société qu’elle est censée servir et protéger. Cela nécessite un effort collectif à la hauteur de l’objectif que nous voulons atteindre : un pays sans violence.

Pour ce grand objectif, nous savons qu’il faut impliquer tout le peuple dominicain, mais surtout ceux qui veillent à notre sécurité et à notre liberté : la police nationale.

Le service de police s’est vu confier des tâches aussi vitales pour le développement de notre nation que la protection de la vie et de l’intégrité physique des personnes, la préservation de l’ordre public et la promotion de la coexistence des citoyens. Notre dette envers ce service est aussi grande que l’obligation que nous avons de l’améliorer.

Dans cette nouvelle ère qui s’ouvre, nous allons entreprendre une réforme globale de la police nationale qui favorisera les changements dans la culture institutionnelle, encouragera la professionnalisation et la technicisation du service, améliorera les conditions de travail de nos agents et rendra les services de police plus efficaces.

Une batterie de mesures et d’objectifs qui sont essentiels à la qualité démocratique de notre pays. Car elle affecte pleinement ses habitants et conditionne nos vies.

 

TRANSPARENCE

 

ET LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

 

Législateurs,

 

Une démocratie de qualité, au seuil de la troisième décennie du XXIe siècle, exige une responsabilité du haut vers le bas. Cela implique un système de freins et de contrepoids entre les pouvoirs de l’État, afin qu’aucun ne l’emporte sur l’autre. Le gouvernement doit être soumis à un contrôle citoyen permanent et transparent. C’est aussi la démocratie, et pas seulement l’émission en temps voulu de l’expression citoyenne représentée par le dépôt d’un bulletin de vote dans une urne tous les quatre ans.

La pleine reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens exige également l’existence d’un régime équitable de conséquences pour ceux qui violent la loi, sans aucune sorte de privilège ou d’impunité, et une distribution socialement équitable des fruits de la croissance économique et de la richesse nationale.

Et ici, aujourd’hui, je vous dis que notre démocratie a été endommagée.

Sur ce point, je tiens à être très clair, précis et énergique. Dans le gouvernement que nous mettons en place aujourd’hui, la corruption du passé ne pourra en aucun cas rester impunie ; celui qui a volé de l’argent au peuple doit nécessairement payer en justice pour ses actes.

De la même manière, je veux donner un avertissement aux nouveaux fonctionnaires qui m’accompagneront dans le gouvernement du changement : je ne tolérerai aucun acte d’indélicatesse, et encore moins de corruption dans mon gouvernement. Tout fonctionnaire qui commet une erreur avec l’argent du peuple sera immédiatement démis de ses fonctions et traduit en justice. Nous sommes convaincus que la corruption d’en haut encourage la corruption d’en bas, c’est-à-dire la délinquance, ce qui entraîne l’insécurité. Et les deux doivent être combattus sans relâche.

Je voudrais répéter, pour que personne ne soit confus, qu’il n’y aura pas d’impunité pour la corruption du passé, ni pour celle qui est commise à l’avenir.

Je m’engage auprès du peuple dominicain, de ma famille et de la mémoire de mon père à diriger un gouvernement transparent et éthique, où l’argent du peuple est géré avec une propreté totale et absolue.

Comme vous pouvez le voir, les défis sont difficiles et certains auront le sentiment que leur esprit s’affaiblit face à l’ampleur colossale de la tâche. Ce n’est pas le cas des Dominicains et Dominicaines et, grâce à leur inspiration, ce n’est pas non plus le cas de leur président.

Bien que les ressources matérielles soient toujours limitées, les capacités dont dépend le succès – créativité, persévérance, discipline, solidarité, courage et foi – sont infinies et constituent le meilleur héritage dont dispose ce pays.

Cependant, ces dons seront inutiles sans unité d’action. Une unité qui nous concerne tous, au-delà des acronymes, des idéologies et de la partisannerie.

La route est longue et sombre, et ceux qui sont tentés de la parcourir seuls et sans lumière n’arriveront à rien. C’est pourquoi, dans les jours à venir, je rencontrerai tous les dirigeants nationaux afin d’aborder et de discuter ensemble des solutions dont notre pays a besoin.

L’urgence sanitaire et ses conséquences énormes sur le tissu économique et social nous obligent à être à la hauteur de la situation, comme cela s’est rarement produit dans l’histoire de notre nation.

Nous avons un examen avec l’histoire et avec les prochaines générations qui nous tiendront responsables de nos actions. Nous devons montrer au monde ce que nous sommes capables de faire, unis dans notre diversité et forts dans notre lutte.

C’est dans cet esprit que j’assume cette investiture comme président de tous les Dominicains et Dominicaines, comme leur premier serviteur et avec l’engagement que l’on se souvienne de ce gouvernement comme celui qui a commencé une nouvelle période de changement, d’unité et de véritable développement économique et social.

Ce gouvernement ne sera pas de l’un contre l’autre. Je suis le président de tous dans une nation de citoyens libres et égaux dont le but historique est de protéger et de reconstruire notre pays.

Nous sommes bien plus que dix millions de personnes vivant dans cette partie du monde.

Nous sommes une façon de voir la vie avec les valeurs de paix, de coexistence, de solidarité et de progrès, comme il convient à un pays qui veut être construit et apprécié comme son peuple le souhaite. Notre peuple. Nous. Un « nous » qui n’exclut personne parce qu’il est l’expression d’un esprit collectif de liberté et de justice qui a toujours guidé notre peuple.

Et c’est le drapeau qui a été hissé il y a 157 ans par ces 14 hommes, sur la colline de Capotillo.

Le drapeau que je porte aujourd’hui.

Le drapeau de la liberté.

Le drapeau de l’espoir.

Le drapeau du progrès.

Le drapeau de tous les Dominicains.

Vive la République dominicaine !

Merci beaucoup et que Dieu bénisse notre peuple !

 

FIN DU TEXE Original

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Discours-investiture-Luis-Abinader-16-aout-2020

 

Traduction, notes et observations : Unité de communication de la Fondation Zile

[1] Commémoration du Jour de la Restauration que divers intellectuels définissent comme la réelle indépendance après 2 ans de combats contre l’Espagne de 1863 à 1865 ou les troupes dominicaines sont sorties victorieuses grâce en grande partie à l’aide d’Haïti. https://eldia.com.do/luperon-y-la-confederacion-dominico-haitiana/

[2] D’origine haïtienne du côté maternel https://diariodigital.com.do/2006/01/29/santiago-rodriguez-el-patriota-ignorado.html

[3]Le cri de la victoire

[4] Programmes d’assistance sociale et d’appui aux entreprises mis en place par l’Administration Medina face à la pandémie

[5] Le taux de change est à RD$ 58.6 pour US$ 1.00

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