Les mesures restrictives du décret du 20 mai 2020 pour limiter la propagation du coronavirus dans le pays vont à l’encontre de « l’État de droit, de la démocratie, des droits de l’homme et nuisent au bon fonctionnement de toutes les institutions tant privées que publiques, particulièrement les secteurs de l’éducation et religieux », a dénoncé dans un communiqué le président de la Fédération protestante d’Haïti. Pour le pasteur Calixte Fleuridor, les dispositions de ce décret sont tout simplement « chimériques, excessives, irréalistes et inapplicables ».
« […] Les dispositions de l’article 6 du Décret du 20 mai qui élève au rang d’infraction la réunion simultanée de plus de cinq personnes, en milieu clos ou ouvert, sous peine d’amende de trois mille gourdes, de cinq jours de prison ou de quinze jours de travail d’intérêt général, en cas de violation, est une atteinte très grave à l’exercice de la liberté de conscience, de réunion et d’association garantie par les articles 30 et 31 de la Constitution de 1987 amendée et les Conventions internationales ratifiées par la République d’Haïti », a rejeté la Fédération protestante, soulignant que même « des familles tombent sous le coup de cet article qui, s’il devrait être respecté à la lettre, obligerait une famille renfermant plus de 5 personnes à mettre à la porte certains de ses membres. »
« D’autres dispositions de ce décret entravent carrément le fonctionnement normal des institutions du pays dont les Cours et Tribunaux chargés de l’appliquer. Citons notamment les Tribunaux de Paix qui sont les plus proches de la population et les Tribunaux correctionnels qui étaient déjà confrontés à de graves problèmes de fonctionnement. Les dispositions de l’article 6 dudit Décret peuvent avoir pour conséquence de faire pourrir et même mourir en prison les gens arrêtés par la Police à cause du coronavirus », a fait remarquer le président de la Fédération protestante.
Selon le pasteur Calixte Fleuridor, aucune institution de l’État, « qu’il s’agisse de la Présidence, de la Primature ou du gouvernement dans son ensemble, ne respecte ces mesures. Que dire des institutions privées telles que les banques, l’administration publique, le transport en commun, ou des lieux de grands rassemblements publics tels que les marchés ?! »
Il a critiqué le fait que le gouvernement a pris « des mesures coercitives contre la population sans modifier sa décision d’autoriser la réouverture du secteur des industries de sous-traitance où plusieurs cas de personnes testées positives au coronavirus ont été identifiées. Dans le but de diminuer les risques de contamination au coronavirus, l’Etat entreprend des efforts de libération de détenus ayant commis des infractions mineures, mais c’est encore l’Etat qui décrète d’emprisonner des citoyens pour des infractions illégales », a dénoncé le leader du secteur protestant.
Dans ce communiqué, la Fédération protestante « proteste énergiquement contre toutes ces mesures excessives, chimériques, irréalistes et inapplicables qui ne tiennent pas compte de la réalité sociologique et économique du pays, en particulier les dispositions des articles 3, 4 et 6 du Décret du 20 mai 2020. De telles mesures semblent poursuivre des objectifs inavoués contraires à la protection et la liberté des citoyens. »
La Fédération protestante fait des propositions au gouvernement
Après avoir dénoncé le caractère anti-démocratique de plusieurs articles du Décret du 20 mai 2020, la Fédération protestante propose qu’il « soit abrogé et qu’un autre le remplace avec des dispositions visant à soulager le sort de la population et des institutions et sans les exacerber, en les portant à se rendre coupables alors que l’Etat lui-même ne peut les appliquer ni les faire appliquer. » Ensuite, la Fédération demande à ce que « l’État fasse plus d’effort pour sensibiliser la population au danger que représente cette pandémie et la porter à respecter les mesures non excessives sans verser dans la répression aveugle ou des tentatives d’institution de dictature ».
Enfin, la Fédération protestante propose à « l’État de mobiliser toutes ses ressources pour la distribution massive des cache-nez, d’eau potable, de nourriture, de médicaments à toute la population, particulièrement les plus vulnérables, et à procéder au nettoyage quotidien des rues ».
Source : Le Nouvelliste