Désormais un grand pas a été franchi en matière de politique publique axée sur les trois composantes suivantes : Éducation, finance et Inclusion. Dans une collaboration intelligente et complémentaire qui se confirme de plus en plus entre le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) et le Banque de la République d’Haïti (BRH), une nouvelle phase des chantiers du Plan national d’Éducation financière (PNEF) lancé le jeudi 25 juin 2020, dans la capitale haïtienne.
Durant la fin de cette journée inaugurale, qui va certainement marquer l’histoire de l’éducation financière en Haïti, un accord a été signé au Centre de Convention et de Documentation Antonio André (CCDD) de la banque centrale, entre trois entités qui se complètent dans leurs rôles, responsabilités, contributions et complémentarités stratégiques : Le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP), la banque de la République d’Haïti (BRH) et une firme internationale AFLATOON, spécialisée dans la mise en œuvre des actions et production relatives à l’éducation financière dans d’autres pays.
Dans une récente étude « FinScope » réalisée en Haïti, les résultats confirment : « environ 80% de la population sont en précarité financière, 63% n’ont aucun contrôle sur leurs dépenses, 12 % seulement arrivent à comprendre un produit financier.», tels sont parmi les constats qui portent les principaux acteurs économiques et financiers impliqués dans l’implémentation de ce plan, à se lancer dans cette nouvelle entreprise.
Le MENFP ouvre son cadre pour l’économie de la connaissance financière !
Dans son allocution de circonstance, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, Pierre Josué Agénor Cadet s’est exprimé en ces termes : « Nous voici parvenus au jour «J », après plusieurs années de réflexions et d’échanges sur la Stratégie nationale d’éducation financière. Le plan qui en découle et qu’on lance officiellement aujourd’hui est le résultat tangible des avancées majeures afin de parvenir à la mise en œuvre de cette stratégie. »
De façon proactive, le ministre précise que : « Le MENFP se réjouit de s’associer à cette action qui rejoint certains aspects de la réforme de l’éducation entamée depuis plusieurs années, notamment au niveau de secondaire avec des cours d’économie introduits dans le curriculum du secondaire rénové qui couvre les volets clés de l’éducation financière des jeunes. ».
Démarche louable, le titulaire du MENFP se rassure et se félicite : « En effet, apprenant à nos jeunes comment anticiper et adopter de bonnes décisions dans la gestion de leurs finances, comment prendre les risques et saisir les opportunités d’investissement, nous leurs offrons une nouvelle voie plus rassurante dans la planification de leur vie. Il leur sera plus facile de transformer le savoir en capital et de contribuer à l’émergence d’une économie fondée sur la connaissance. »
De grands défis attendent certainement le MENFP, déjà mobilisé sur plusieurs autres chantiers dans ce contexte de crise sanitaire globale et nationale qui affecte certainement le système éducatif haïtien. Pour le premier des éducateurs haïtiens, c’est : « Une action qui s’inscrit bien dans la dynamique recherchée dans le Plan décennal d’éducation et de formation pour la formation de ce citoyen novateur, autonome, ouvert sur le monde et capable de prendre des initiatives. »
Dans cette vision, le titulaire du MENFP entend renouveler son engagement aux côtés de la BRH et des plus hautes autorités du pays afin de s’investir dans la mise en œuvre de la deuxième priorité du PNEF, savoir l’éducation financière dans les écoles et les universités dans le but de former les enseignants et de mettre à la disposition des enfants et des jeunes des outils d’éducation financière et économique.
« Devant un tel tableau, il faut reconnaître que : « Le changement de comportement financier ne suivra pas tout seul. Si nous voulons contribuer à l’émergence de ce monde inclusif, il doit être stimulé par des efforts de sensibilisation et de formation conjugués et une simplification des informations nécessaires. », conseille le gouverneur de la BRH, qui croit dur comme fer que : « L’éducation financière peut mieux guider les ménages dans leurs choix financiers ; l’accès à l’éducation financière peut contribuer, non seulement, à accroître, l’accès, mais aussi, l’utilisation des services financiers en termes d’épargne, à réduire le niveau d’endettement, faire diminuer la probabilité de défaut de paiement et de la faillite et maintenir la stabilité financière. ».
La BRH ouvre la voie sur l’éducation financière pour mieux responsabiliser les acteurs !
Des chiffres à l’appui, le gouverneur Jean Baden Dubois rappelle que : « Les questions de l’inclusion financière constituent, un enjeu économique majeur, mais également sociétal, pour tout pays et précisément pour Haïti. Nos choix économiques, financiers et nos modes de vie sont souvent impactés par la problématique de l’inculture financière. Environ 89%1 de la population âgée des quinze (15) ans et plus n’ont pas accès à un compte bancaire, 73 % n’épargnent pas formellement et 87 % n’empruntent pas.2 La profondeur du marché financier, son incapacité à répondre, adéquatement, aux besoins en services financiers d’une fraction significative de la population peuvent avoir des incidences négatives sur le développement de l’entrepreunariat formel et la croissance économique du pays. Dans la Stratégie nationale d’Inclusion financière, lancée en 2014, cinq (5) grands axes ont été identifiés et priorisés comme levier pour amener une bonne frange de la population à avoir accès à plus de services et de produits financiers de qualité et de proximité.”
Dans son discours de circonstance, le gouvernement se félicite au nom du Conseil d’administration de la BRH, de lancer du « Plan National d’Education Financière (PNEF) ». Selon lui, « Ces initiatives devraient contribuer à l’amélioration de son bien-être financier. L’un de ces cinq (5) piliers retenus porte sur l’éducation financière et la protection du consommateur. Si des progrès ont été observés au niveau du taux d’inclusion financière en Haïti passant de vingt-sept (27) % en 2014 à trente-quatre (34) % en 2018, il nous faut comprendre que l’éducation financière demeure une prérogative centrale pour consolider les acquis et renforcer la résilience. »
Durant les cinq prochaines années, M. Dubois souligne que : « Ce document-cadre, dont l’horizon est de cinq (5) ans, devra nous permettre de mobiliser tous les acteurs concernés, pour mieux combler les attentes de la population haïtienne en matière d’éducation financière. Enfants, jeunes scolarisés ou non, moins jeunes, universitaires, professionnelles indépendantes ou cadres du secteur public ou privé, citadins ou citoyens vivant dans nos régions rurales, investisseurs, agents économiques du secteur formel comme ceux du secteur informel, les ménages en général, vous êtes tous concernées par ce Plan national d’Éducation financière, dans votre quête d’autonomisation financière, pour pouvoir vous adapter aux évolutions de ce monde économique tant compétitif. ».
D’après le premier des banquiers centraux haïtiens : « Les services basiques de paiement à distance ou en ligne, la digitalisation des opérations, des incitations à l’épargne, une meilleure appropriation des concepts d’assurance sont autant d’outils et de moyens qui doivent être mis à contribution pour augmenter votre résilience financière. »
Dans la conclusion, le gouverneur de la banque centrale remercie en ces termes : « Il me plait, par la même occasion, de faire une mention spéciale à nos partenaires internationaux qui ont apporté tout leur soutien pour la réalisation de ce document et l’organisation de cet évènement de lancement public. À nos amis de l’Alliance pour l’Inclusion financière (AFI), de la Fondation capitale, du Centre de Recherche pour le Développement international (CRDI), l’OCDE, la Banque Mondiale, la Banque Centrale de Seychelles, la Banque de Réserve des Fidji, la Banque Centrale du Maroc ainsi que la Fondation marocaine pour l’Éducation financière, nous vous disons un grand merci ! Aux institutions membres du comité de pilotage et leurs représentants, CHAPO BA ! ».
Difficile de parler de croissance, de richesse et de compétitivité d’une nation, sans prendre en compte le rôle et l’importance de la finance et de l’économie dans les stratégies de développement, ainsi que dans les connaissances, les compétences et les comportements des citoyennes et des citoyens, qui passent obligatoirement par la transmission des informations, des connaissances et des savoirs par le biais de l’éducation et la formation.
Dominique Domerçant
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Source : Le National